20/08/2014

Anima - Wajdi Mouawad


Anima. Ce titre claque sur le papier, mot à double tranchant et, par conséquent, à double signification. Anima, mot mystérieux qui se veut à la fois âme et animal, dont l'on mesure l'importance et l'entièreté de ce que cela suppose au fil des pages. En effet, ce roman porte sur l'importance des mots, des noms, de ce que cela dit de nous, un passage tortueux vers notre identité, notre âme. 

       "Le monde est vaste, mais les humains s'entêtent à aller là où leur âme se déchire"

Tout commence par le meurtre et le viol, d'une barbarie inouïe, de la femme du personnage principal : Wahhch Debch. Une découverte macabre suivie d'un rapport du légiste nauséabond, qui font s'effondrer le monde sous ses pieds, le meurtrissent et le déchirent, corps et âme en lambeaux. Une descente aux Enfers dont seule la rage bestiale de Wahhch lui permet de se tenir encore "debout bien que blessé".

Bien plus qu'une quête pour retrouver le meurtrier de son âme-soeur (qui est connu dès les premières pages), ce roman nous raconte, par un déroutant mais habile stratège de l'auteur, la quête identitaire de Wahhch Debch qui le mènera à ses origines, jusqu'à la révélation ultime qui glace le sang et libère la colère animale, monstrueuse, qui sommeille en lui, mais aussi en chacun de nous.

"Souvent, les humains s'auréolent du vert de la peur ou du jaune du chagrin et quelquefois de teintes plus rares : le safran du bonheur ou le turquoise des extases. Celui-là, fatigué, épuisé, englouti par l'opacité opaline du chemin, exhale, depuis le centre de son dos, le noir de jais, couleur de la dérive et des naufrages, apanage des natures incapables de se départir de leur mémoire et de leur passé."

Un roman magistral, monstre littéraire, qui nous met le coeur au bord des lèvres, nous éviscère et fouaille douloureusement au plus profond de nous-mêmes, touchant à ce qui fait notre identité. Une véritable blessure littéraire, comme un coup de poignard dans l'âme, dont l'on ne peut sortir indemne. Un chef d'œuvre !

Sophie Jodoin

8 commentaires:

  1. Un roman qui me tente beaucoup depuis que je l'ai vu arriver chez Actes Sud. Grâce à toi, je vois qu'il est sorti en poche, raison de plus pour craquer. ;)

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    1. J'espère franchement que tu le lira parce qu'il le vaut bien. Ce n'est pas toujours facile de dire d'un roman que c'est un chef d'oeuvre mais Anima mérite ce qualificatif tant l'intrigue et l'écriture sont fouillées, recherchées. Du grand art !

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  2. Oh la la, tu donnes envie, mais ça a l'air tellement dur... Déjà que la pièce "Incendies" m'avait fait fondre en larmes après m'avoir fichu un beau choc, je ne sais pas si j'oserai... Pourtant j'ai vraiment envie de découvrir l'auteur sous la forme roman. ^^'

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    1. C'est très éprouvant mais la satisfaction d'avoir lu un tel roman,que je qualifie sans honte de chef d'oeuvre, surpasse tout ça. La lecture c'est comme une passion amoureuse, ça fini mal, ça nous blesse mais il faut le vivre.

      Et pour rebondir sur ce que tu disais, j'ai revu "Incendies" (le film) peu après ma lecture d'Anima et ça m'a tout autant bouleversé. Intéressant aussi de voir combien certains sujets sont récurrents dans l'oeuvre de W. Mouawad.

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  3. Je l'ai lu et critiqué à sa sortie en grand format, et je suis entièrement d'accord avec toi.
    Tu me fais penser que je dois remettre la critique en ligne mais ce roman est un pur chef d'oeuvre, une claque dans la gueule, admirablement complété par le superbe Incendies.

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  4. Comme Lelf, "Incendies" m'a mise sur les genoux. Mais je veux lire d'autres choses de l'auteur, il m'a fortement impressionnée avec "Incendies" et "Littoral"!

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    1. Tout comme toi, cette expérience éprouvante mais aussi bluffante m'a donné envie d'en lire plus. J'ai d'ailleurs l'intention de lire sa tétralogie "Le sang des promesses" bientôt. J'attends juste de me remettre assez de mes émotions pour le faire ^^

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