25/09/2014

La fantaisie des Dieux : Rwanda 1994 - Hippolyte & Patrick de Saint-Exupéry


En 1994, d'avril à juillet, plus de 800 000 tutsis furent traqués, exécutés, découpés à la machette et jetés pour certains dans des fosses. Un génocide de 100 jours préparé depuis longtemps. Une "folie raisonnée" que raconte Patrick de Saint-Exupéry, témoin du génocide en 94 en tant que journaliste. De retour sur le territoire rwandais, il revient sur ce qu'il a vu, ses rencontres et souvenirs.

Durant ce génocide, et c'est ce que nous montre cette BD, exit le cliché du "gentil nègre" véhiculé par Banania, voici maintenant le retour du cliché du sauvage noir (surement cannibale par ailleurs). Il est vrai que l'utilisation de Zyklon B à Auschwitz ou lors d'une exécution dans le Maryland est beaucoup plus civilisée que celle de la machette. Le sang, ça tâche. Mais le sang noir est visiblement de moindre valeur vu que : "Dans ces pays-là, un génocide, ce n'est pas trop important..." dixit F. Mitterrand en 1994. Une citation mise en exergue qui nous met tout de suite dans le bain...


Ne pas voir les milliers de corps qui s'amoncellent. Ne pas entendre les cris ni les témoignages des rescapés. Ne pas parler, taire le massacre et nier sa responsabilité.

Moment particulièrement marquant dans cette BD, la vue d'un drapeau tricolore brandi par les miliciens Hutus pour féliciter l'arrivée de l'armée française lors de l'Opération Turquoise, comme en témoigne avec dégout P. de Saint-Exupéry. Des génocidaires hilares et fiers d'énoncer le nombre de Tutsis qu'ils ont tué, persuadés que la France les aiderait à "finir le travail", devant les mines parfois déconfites de militaires. Pas très étonnant vu que dans le même temps notre armée participait l'Opération Insecticide - qui prend tout son sens quand l'on sait que les Tutsis étaient traités d'"Inienzi", de cafards - chargée de former militairement les Hutus à l'extermination. Qu'elle est belle la Françafrique.

J'ai lu un certain nombre de livres (romans, essais) sur le génocide rwandais, vu des films, mais l'effet est toujours le même. L'émotion, le choc, la culpabilité aussi. Cette BD n'y déroge pas et elle a le mérite de ne pas faire dans l'étalage de "barbarie", d'images chocs. Ici, et c'est tant mieux, le poids des mots prime sur le choc des images. A lire et à méditer.

5 commentaires:

  1. Une BD pour traiter d'un sujet aussi grave, ça change et ça permettra à plus de personnes de le lire.
    Que dire de ce génocide, organisé peu ou prou par la France qui n'a su que monter deux ethnies les unes contres les autres, alors qu'elles cohabitaient paisiblement.
    Le fait que ce soit l'armée française qui ait formé les troupes Hutus et les ait armées nous laisse pantois et c'est peu dire ! On a du mal à y croire... et ce ne sont pas nos livres d'histoire qui vont nous en dire plus ! Décidément, encore une fois, le sang noir représente moins que le sang de certaines autres "peuples" victimes eux aussi de génocide... A lire de toute urgence, pour mieux comprendre ce que notre gouvernement appelle "diplomatie" et "Françafrique" !

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    1. Je serais plus nuancée que toi sur certains sujets mais il y a d'autres choses sur lesquelles je n'en pense pas moins.

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    1. Le dessin est très épuré et ne m'a pas vraiment convaincue mais le propos sous-jacent prime sur le reste.

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